La construction d’un village global en harmonie, une utopie

dimanche 1 août 2010 13 h 33 min par Benoit Duguay.

Facebook a récemment dépassé le seuil des 500 millions d’usagers et certains comparent ce réseau social à une communauté mondiale, voire à un pays dont la population serait du même ordre de grandeur que celle de toute l’Union Européenne.

Du coup, on voit plusieurs raviver le rêve utopique d’un « village global en harmonie », une prédiction que l’on attribue, faussement d’ailleurs, à Marshall McLuhan, comme je l’explique dans l’ouvrage Consommation et nouvelles technologies récemment publié.

Ce que cet éminent philosophe et spécialiste des communications a affirmé, c’est que l’électricité contracterait le monde en un village global (M. McLuhan, Understanding Media: The Extensions of Man, Toronto, New American Library, 1964, p. 20), c’est-à-dire que les technologies qui en sont issues rapprocheraient les continents et contribueraient à faire rayonner les différentes cultures au-delà de leurs frontières respectives.

L’auteur avait raison et il était visionnaire, car à l’époque où il a écrit ce texte, dans les années 1960, la radio, la télévision, le cinéma et même l’ordinateur commençaient tout juste à tisser un réseau autour de la planète; l’internet n’en était même pas encore à ses balbutiements.

S’appuyant sur cette « prophétie » soi-disant d’un monde meilleur, que McLuhan, je le répète, n’a jamais prédit, certains ont vu et voient encore dans les technologies de l’information (TI), dans l’internet et tout particulièrement dans le Web 2.0 « la réalisation du rêve d’une cité idéale où régnerait une harmonie entre les humains » (S. Proulx, La révolution internet en question, Montréal, Québec Amérique, 2004, p. 9).

C’est mal connaître la bête! Certes, l’internet a contribué à abolir les frontières géographiques en ce qui concerne la diffusion de l’information, quoique même là on voit encore des efforts de censure dans plusieurs pays. Il est également exact que la connaissance d’autres cultures est considérée comme enrichissante par certains. Cependant, les sentiments négatifs qu’éveille en plusieurs la différence, en particulier la peur, entraînent des réactions de haine dont la manifestation la plus bénigne est l’intolérance et la plus grave la violence.

Par certains côtés, Facebook est un peu le reflet de nos sociétés, disait, avec raison, l’animateur Michel Gailloux, pendant ma chronique Consommation du 30 juillet; il est certain que l’on retrouve dans ce monde virtuel les mêmes amitiés, haines et comportements que dans le monde réel. Malheureusement, l’humain ne modifie pas ses attitudes lorsqu’il passe du monde réel au monde virtuel; bien au contraire, comme je l’écris dans le livre Consommation et nouvelles technologies, le fait d’être en ligne fait perdre à certains la retenue dont ils feraient sans doute preuve dans le contexte d’une conversation téléphonique ou d’un échange face à face.

Par conséquent, de vouloir créer une communauté en harmonie, sur le Web ou dans le monde réel, est certes un objectif noble et hautement désirable. Cependant, l’humain devra progresser au-delà de son égoïsme et changer profondément ses valeurs pour que cet objectif puisse être atteint.

Je profite de ce billet pour annoncer que, puisque l’animateur Michel Gailloux quitte Radio Ville-Marie, j’interromps ma chronique Consommation du jeudi matin au moins jusqu’à la mi-septembre. Elle pourra alors reprendre, sous réserve d’un entretien avec le nouvel animateur. J’annoncerai ma décision définitive sur ce blog.


Laisser un commentaire

Livres

Consommation et nouvelles technologies

livre3

Consommation et luxe

livre1

Consommation et image de soi

livre2