Mesure et comparaison du degré d’efficacité entre les modèles de gestion hydrique au niveau domestique

mercredi 11 novembre 2009 15 h 07 min par Alain A. Grenier.

Par Roxanne LEMIEUX

et Bastien GAUTIER

I. INTRODUCTION

L’eau est une ressource essentielle au maintien des écosystèmes, au développement humain et au soutien de la croissance économique. Néanmoins, l’eau est aussi une ressource limitée qui se raréfie sous l’effet de la surexploitation et de la pollution. De nombreuses pressions causées par le mode de vie occidental et accentuées par le développement économique, l’accroissement démographique, l’urbanisation ainsi que les changements climatiques (OCDE, 2009) menacent aujourd’hui son renouvellement.  Tous ces facteurs qui contribuent à l’épuisement de l’eau, créent des tensions, voir même des conflits dans certaines régions. Un des exemples le plus marquant de la situation qui touche les sociétés occidentales est bien celui de la Californie. Les décennies de croissance de ses zones urbaines ont montré que le mode de développement californien pouvait très vite atteindre ses limites, cette région étant à l’origine dépourvue de grandes ressources hydriques. En Californie, l’eau provient  majoritairement des précipitations qui sont emmagasinées. Son approvisionnement additionnel en eau est soutenu par l’importation dans les États voisins (Davis, 2010: 11).  À défaut d’avoir adopté des modèles de gestion durable de cette ressource ou des comportements adaptés à la géographie et au climat spécifiques de la région, la Californie souffre aujourd’hui d’un grave problème de stress hydrique.  Les ressources en eau ainsi que l’approvisionnement extérieur ne peuvent plus subvenir convenablement aux besoins des populations en croissance  (Davis, 2010 : 11).

Le cas de la Californie n’est pas unique et illustre clairement ce que pourraient vivre d’autres régions n’appliquant une gestion durable de leurs ressources hydriques. Des solutions sont plausibles dans la mesure où les sociétés adoptent des comportements qui favorisent le développement durable, c’est-à-dire un mode de développement répondant au besoin  du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs (Brundtland, 1987). Selon l’UNESCO (2010 : 5), il y a assez d’eau pour tous les citoyens de la planète mais le problème auquel fait face l’humanité provient surtout d’une mauvaise gouvernance de cette ressource. L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE, 2006 : 5) souligne qu’«il est indispensable, pour assurer la pérennité du développement humain et économique et le maintien des écosystèmes, de rationaliser la gestion des ressources en eau. »

La planète compte un milliard de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable ainsi que 2,4 milliards  d’individus n’ayant pas à leur disposition des installations d’assainissement appropriées (UNESCO, 2003 : 11). On prévoit qu’environ la moitié de la population mondiale, soit 3.9 milliards d’individus, sera soumise à un stress hydrique intense autour des années 2030 (OCDE, 2009). À contrario, plusieurs  pays occidentaux laissent leur eau couler à flot et de façon illimitée. Par exemple, dans les ménages canadiens, 35% de la consommation domestique en eau est employée pour l’hygiène dont 30% pour la chasse d’eau, 20% pour la lessive, 10% pour la cuisine et 5% pour le nettoyage (Environnement Canada, 2009). Dans un pays comme le Canada où l’eau est abondante, les mesures gouvernementales sont peu sévères et peu incitatives à une gestion responsable de la ressource. D’ailleurs, la conception des toilettes au Canada fait en sorte qu’elles nécessitent 20 litres par chasse d’eau alors que 6 litres suffiraient (EC, 2009). Aucune loi ne prescrit l’installation de modèles à consommation réduite à l’intérieur des maisons afin de faire diminuer le débit d’eau. Il existe pourtant des moyens simples et efficaces pour réduire la consommation domestique d’eau comme, l’installation de réducteurs de volume dans le réservoir de la chasse d’eau et des pommes de douche à débit réduit. Les frais engendrés par la modification des installations domestiques peuvent faire l’objet de crédits d’impôts. Pourtant, le gouvernement canadien n’a jamais réussi à instaurer ce mécanisme efficace permettant d’encourager les citoyens à  changer leurs comportements. La perception d’abondance de l’eau potable est un des problèmes majeurs au Canada, ce qui a pour conséquence une utilisation abusive et insouciante de celle-ci (EC, 2009). Faute d’incitatifs et de mécanismes de gestion durable de l’eau, le gaspillage fait partie intégrante du quotidien des Canadiens. Une prise de conscience générale des citoyens canadiens face aux enjeux des ressources hydriques semble encore difficile.

Le Canada est l’un des plus grands consommateurs d’eau au monde.  En 2002, sa consommation annuelle par habitant était d’environ 1420 m3 (OECD, 2009). Si l’on compare le Canada avec d’autres pays d’un niveau de vie comparable, le constat est flagrant. Les pays nordiques, par exemple ont une utilisation plus rationnelle et croissante de l’eau. Le Danemark consomme annuellement 130 m3 par habitant, suivi de la Suède avec 300 m3, de la Finlande avec 450 m3, de la Norvège avec 550 m3 et de  l’Islande avec 540 m3 (OECD, 2009). On remarque que la consommation hydrique des Scandinaves est de la moitié de  moins celle des Canadiens. Cette différence de consommation provient du fait que certains pays proposent des politiques et mécanismes de gestion de l’eau plus efficaces comme les compteurs d’eau, le recyclage des eaux usées, la collecte des eaux de pluies ainsi que les dispositifs légaux et incitatifs fiscaux. L’application de ces outils de gestion de l’eau est accompagnée dans ces pays d’efforts de sensibilisation et d’éducation à l’épargne de l’eau. À cela vient s’ajouter des comportements sociaux différents liés à des valeurs relatives à certaines cultures. Ces sociétés semblent donc être plus sensibles aux enjeux à long terme de cette ressource limitée. L’écart de consommation d’eau entre le Canada et d’autres pays nous amène à nous questionner sur l’efficacité des différentes méthodes de gestion  de l’eau et sur les habitudes de consommation hydrique de leurs citoyens.

Cette étude portera sur l’efficacité des modèles de gestion durable de la consommation domestique de l’eau  ainsi que le contexte socioculturel qui favorise leur application.

Pour ce faire, cette étude propose:

a)  une recension des différents mécanismes de gestion domestique de l’eau ainsi que leurs avantages et inconvénients;

b)      une analyse du contexte socioculturel particulier favorisant ou non l’adoption des moyens décrits plus haut.

À partir d’observations et d’entretiens auprès de gestionnaires et praticiens impliqués dans la gestion de l’eau, nous tenterons d’identifier des solutions aux problèmes de consommation  de l’eau. Pour ce faire, nous ferons quelques comparaisons entre deux pays semblables au point de vue géographique et par rapport au profil sociodémographique des citoyens; le Canada et la Finlande. La Finlande fait partie des pays scandinaves et ces derniers sont largement réputés pour être plus progressif au niveau technologique ainsi que dans le domaine du développement durable.

Roxanne LEMIEUX est étudiante en commerce international à l’ESG-UQAM.

Bastien GAUTIER est étudiant au baccalauréat en administration, à l’ESG-UQAM.

Cet extrait est tiré de leur projet final de recherche.


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